30° dimanche ordinaire.
Aujourd'hui
encore, comme dimanche dernier, les pharisiens cherchent à coincer
Jésus. Comment? En lui posant une colle théologique La semaine
dernière, ils voulaient le mettre en porte à faux sur son rapport à
l'autorité politique. Cette fois-ci, c'est sur son rapport à la Torah,
à la Loi fondamentale héritée de Moïse. D'autant plus que Jésus a
plusieurs fois eu des paroles ou des gestes où il semblait prendre une
certaine liberté avec la Loi.. L'enjeu n'est pas mince, et la procédure
est bien connue, toujours utilisée aujourd'hui: on essaie de se
débarrasser d'un gêneur en le poussant à la faute. Ici, c'est rien
moins que le blasphème qui menace Jésus: si sa réponse n'est pas
théologiquement correcte: il se placerait de fait en dehors de la Loi,
donc en dehors du peuple; ou pire, au dessus de la Loi, donc à la place
de Dieu...
Jésus bien sûr ne tombe pas dans le piège, et donne une
réponse inattaquable, en même temps qu'il renvoie ses interlocuteurs à
l'essentiel de la Loi, l'amour de Dieu et du prochain, en insistant sur
leur caractère intrinsèquement liés. Il les prend au jeu de leur propre
légalisme pour les inviter à réfléchir à ce qui fait le coeur de la Loi.
Le
rapprochement que nous invite à faire l'Eglise avec la 1ère Lecture est
très intéressant : on se retrouve dans le Livre de l'Exode, là où
justement est proclamée la vieille Loi d'Israël. Mais pas dans les
commandements du Décalogue. Plutôt dans des préceptes pratiques qui en
découlent, concernant la vie économique et sociale, des préceptes
qui touchent à des questions très concrètes : l'immigration, le respect
des pauvres, le prêt à intérêt. Etonnante actualité de ce très vieux
texte : on ne peut bien sûr pas l'entendre sans penser à la crise
financière qui occupe la une de nos media depuis plusieurs semaines.
Les
évêques de France sont en continuité avec cet enseignement très ancien,
repris à son compte par Jésus, dans la déclaration sur cette crise
publiée il y a quelques jours par le Conseil pour les questions
familiales et sociales. Certains d'entre vous l'ont peut-être lue. Elle
sera publiée en intégralité dans le prochain bulletin.
Son titre est
déjà tout un programme: « Au cœur de la crise : faire crédit,
faire confiance » Ce document, qui fait suite à plusieurs textes
où l'Eglise analyse les causes de la crise, est un appel prophétique :
inviter les responsables politiques et économiques à analyser la
situation et à prendre des mesures pour y remédier, notamment par un
retour à des pratiques plus conformes à l'éthique... mais surtout dans
cette situation appeler à ne pas oublier les pauvres, qui seront comme
toujours les premières victimes, et à nous interroger tous sur nos
pratiques!!!
« Nos sociétés sont ébranlées. Et comme toujours,
en pareil cas, les plus pauvres sont les premières et bien innocentes
victimes. Cette crise nous invite tous à nous interroger sur nos modes
de vie, sur notre rapport à l'argent, sur nos manières de faire
fructifier notre épargne et de recourir au crédit. »
L'Eglise
joue ici pleinement son rôle dans le débat public, pour éveiller les
consciences et appeler chacun à s'interroger sur son comportement. Ne
sommes-nous tous pas un peu contaminés par cet esprit du monde présent,
qui place l'argent et le profit comme valeurs suprêmes... des idoles,
pour parler comme St Paul. « Quand la finance prétend être sa
propre fin et n'est plus animée que par le désir exclusif du profit,
elle perd la tête. Quand le souci de l'homme, de tout l'homme et de
tous les hommes redevient prioritaire, la confiance renaît », disent
encore nos évêques.
Nous pouvons nous sentir bien petits, bien
impuissants face à des phénomènes qui nous dépassent. Certains d'entre
nous risquent d'en être victimes, à travers leur épargne, la difficulté
à obtenir un crédit, la baisse de leur pouvoir d'achat si la crise
s'aggrave, ou même la perte de leur emploi.
Comme chrétiens, comment réagir, que pouvons nous faire ?
D'abord,
comme disent nos évêques, garder confiance. Et puis, nous interroger.
Quel regard avons-nous sur notre argent ? Quels choix faisons-nous pour
placer nos économies, si maigres soient-elles ? N'hésitons pas à
privilégier les placements éthiques, comme nous y invitait une campagne
la semaine, passée, et comme l'Eglise nous y encourage.
Soutenons
toutes les initiatives qui seront prises à l'occasion de cette crise
pour remettre un peu d'ordre, et de sens éthique, dans les
relations financières, mais aussi d'équité dans les relations
économiques.
Et face aux conséquences de la crise, allons-nous nous
replier sur nous-mêmes, ou poursuivre, intensifier nos gestes de
solidarité avec les plus pauvres, comme nous y appelle aujourd'hui le
Secours Catholique?
Dans ce contexte, il est important plus que
jamais de continuer à se battre avec une énergie redoublée pour plus de
justice et de solidarité C'est le message que nous laisse Soeur
Emmanuelle, qui a rejoint Dieu son époux, au début de cette
semaine. Elle a été un témoin magnifique, avec d'autres, de ce double
commandement qui n'en fait qu'un, et qui résume à lui seul toute la
Loi, et toute la vie chrétienne :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur... et ton prochain comme toi-même.
Amen !
Loïc LAINÉ, diacre permanent.
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