3° dimanche ordinaire.
« Qu’il
n’y ait pas de divisions entre vous » écrit St Paul à ses amis de
Corinthe. La semaine de prière pour l’unité des Chrétiens, centième du
nom, s’achève aujourd’hui avec cette injonction, toujours d’actualité,
2000 ans après. Dans l’Evangile que nous venons de lire, Jésus, lui,
nous dit : « Convertissez-vous, car le Royaume de Dieu est
tout proche ». Ces deux recommandations peuvent sembler sans
rapport entre elles… et pourtant ! nos divisions ne sont-elles pas
des preuves qu’il nous faut sans cesse nous convertir ? Ne
sont-elles pas les révélateurs de notre manque de foi en Celui qui est
le modèle même de l’unité ? Unité entre les 3 personnes du Père,
du Fils et de l’Esprit, à la fois Trinité et pourtant Dieu unique ?
Convertissez-vous !
Quel programme ! Se convertir, c’est changer de direction, se
retourner. C’est se remettre soi-même en question. En question, oui,
mais il ne s’agit pas de se contenter de la question : il faut
trouver des réponses ! Et la réponse, ce n’est pas de vouloir
changer les autres. A un journaliste qui lui demanda un jour « Que
faudrait-il changer dans le monde pour qu’il soit
meilleur ? » Mère Teresa aurait
répondu simplement : « Vous et moi, Monsieur ». Se
convertir. Avoir la volonté de changer d’abord soi-même, au lieu
d’attendre désespérément que les autres changent. Il nous faut sans
cesse nous convertir, car c’est dans notre timidité à nous convertir
que se trouve la source de nos divisions. Tant que nous croyons détenir
la vérité, ceux qui pensent autrement ont forcément tort. C’est à eux
de changer. Et ainsi, nous restons divisés, car eux, bien sûr, ne
changent pas.
Je le disais, la semaine qui s’achève était celle de
la prière pour l’unité des Chrétiens. En effet, les Chrétiens
apparaissent divisés, au moins à cause des différents noms qu’ils se
sont donnés : catholiques, protestants, orthodoxes, anglicans… et
à l’intérieur même de ces grandes familles, d’autres divisions et
subdivisions dont la liste serait ici bien trop longue. Mais TOUS sont
chrétiens ! ce qui nous divise est infiniment plus petit que ce
qui nous rassemble : notre foi au même Christ, Jésus, fils de
Dieu, qui est venu nous sauver, a donné sa vie pour nous, est
ressuscité et nous a laissé son Esprit Saint. Entre toutes ces
confessions chrétiennes, les divisions ne portent, pour l’essentiel,
que sur notre conception de l’Eglise, peuple de Dieu, héritière des
apôtres, et sur notre manière de pratiquer notre foi. Alors, comme ces
premiers chrétiens de Corinthe, sommes-nous pour Paul ou pour
Apollos ? ou pour Pierre ? Sommes-nous pour la liturgie
actuelle ou pour l’ancienne ? Pour le Curé ou pour son
vicaire ? etc … ! Ces querelles sont bien futiles, au regard
de l’Essentiel qui nous unit tous. Il n’empêche. Ces divisions, aussi
infimes soient-elles, sont autant de blessures, et nous devons faire
tout notre possible pour les guérir. Car elles sont un obstacle à
l’évangélisation du monde. Elles empêchent beaucoup d’hommes d’accéder
et d’adhérer à cette simple Bonne Nouvelle : Dieu nous aime. Dans
une prière rapportée par St Jean, Jésus demande à Dieu son Père :
« Qu’ils soient unis, pour que le monde croie que Tu m’as
envoyé ». Il ne s’agit donc pas d’être unis simplement pour le
plaisir de ne pas se quereller, mais « pour que le monde
croit ». Nos divisions défigurent le visage du Christ. Divisions
entre chrétiens, oui, mais aussi à l’intérieur de l’Eglise
Catholique ; division aussi dans nos paroisses ; divisions
dans nos communautés ; divisions parfois, hélas, dans nos
familles…Pour dépasser ces divisions, faire l’unité ou refaire l’unité,
il nous faut passer par la conversion que Jésus nous demande :
« Convertissez-vous, car le Royaume de Dieu est tout
proche ». Comprenons : « le Royaume de Dieu sera
d’autant plus proche que vous vous convertirez. » Il ne s’est
d’ailleurs pas contenté de le proclamer. Le passage d’évangile se
termine ainsi : « Jésus, parcourant toute la Galilée, proclamait
la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute
infirmité dans le peuple. » Ces guérisons sont déjà les signes
visibles de ce Royaume, dans lequel Jésus refait l’unité de nos corps
malades, de nos cœurs infirmes et de nos âmes blessées ; signes de
ce Royaume déjà là mais encore à bâtir. Et il ne se bâtira pas sans la
participation de l’homme. Jésus a posé la première pierre, mais c’est à
l’homme de prendre en charge la construction. C’est pour cela que Jésus
appelle des hommes à marcher à sa suite, pour témoigner de cette bonne
nouvelle et commencer à agir avec lui. Les premiers qu’il a appelés,
comme on le voit dans le passage d’aujourd’hui, ce ne sont pas des
notables, des savants, ni des spécialistes de la religion. Non, mais de
simples travailleurs du lac, des pêcheurs. Et pas forcément non plus
parmi les plus courageux, on le verra bien par la suite, avec leur
débâcle au moment de l’arrestation de Jésus. Pas non plus parmi les
plus intelligents. Combien de fois dans les évangiles voit-on Jésus
leur dire : « Mais ne comprenez-vous donc pas ? ».
Non, Jésus vient parmi les hommes ordinaires. Il se fait proche de
chacun, quelles que soient ses qualités ou ses défauts, quelles que
soient ses richesses ou ses pauvretés. Il ne leur demande pas de
fournir un CV et une lettre de motivation avant de les admettre dans
son équipe. Il a voulu faire confiance à des hommes simples, qui vivent
parmi leurs frères, qui peinent comme eux et avec eux pour gagner leur
pain. Et c’est pourtant sur cette fragile équipe d’humbles pêcheurs
imparfaits qu’il va s’appuyer pour faire connaître la Bonne Nouvelle de
son Salut. Aujourd’hui, il nous appelle encore. Et qui sont ses
disciples ? des gens comme nous, comme vous et moi. Car c’est nous
tous qu’il veut sauver, et il nous prend tels que nous sommes. Il nous
appelle dans notre vie de tous les jours. C’est tout de même
formidable ! Chacun peut se dire : « il m’appelle,
moi ! » Mais d’un autre côté, on voit toute l’exigence d’un
tel appel : « Aussitôt, laissant leurs filets, ils le
suivirent » « Aussitôt, laissant leur barque et leur père,
ils le suivirent ». Quelle confiance ! Mais aussi, quelle
conversion ! S’il m’appelle réellement, moi, aujourd’hui, que
suis-je prêt à laisser pour le suivre ? mon travail ? mes
biens ? mes proches ? Quel est le degré d’exigence qu’il me
demande ? Aujourd’hui, ce n’est plus directement Jésus qui
appelle, mais son Esprit Saint, à l’œuvre dans notre monde. Sommes-nous
capables seulement d’entendre cet appel ? Et si nous l’entendons,
sommes-nous prêts à cette conversion radicale que cela demande ?
Oui, aujourd’hui encore, comme au bord du lac il y a 2000 ans, cet
appel retentit parmi nous : Convertissez-vous, voyez comme le
Royaume de Dieu est tout proche ! Il sera plus proche encore quand
vous vous convertirez. Car de notre conversion naîtra le Royaume de
Dieu, dans lequel toute division fera place à l’unité, unité entre tous
les hommes, et unité de l’humanité avec Dieu.
Amen !
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