5° dimanche de carême.
L'Evangile
que nous venons d'entendre étant assez long, je m'efforcerai de ne pas
mobiliser votre attention trop longtemps. Aussi, j'ai retenu deux
phrases qui me renvoient aux préoccupations du Comité Catholique contre
la faim et pour le développement.
« Alors, Jésus
pleura! » Voilà l'une des plus belles phrases de l'Evangile, et
l'une des plus consolantes. Devant la mort de son ami et le deuil de
Marthe et Marie, « Jésus est bouleversé d'une émotion
profonde. » Le Fils de Dieu n'est pas insensible, et il partage la
souffrance de ses amis. Il aime tellement ses frères humains qu'il
pleure avec eux chaque fois qu'ils sont dans la peine. Et, comme il a
dit à Philippe: « qui me voit, voit le Père. », je ne pense
pas que ce soirt un abus de langage de dire que Dieu pleure. Il pleure
devant les injustices de notre société, devant la mort des victimes des
conflits de toutes sortes, que ce soit des conflits armés ou des
conflits économiques. Comment son coeur de Père peut-il réagir en
voyant 20% des populations les plus riches (dont nous sommes) consommer
75% des ressources de la palanète ? Comment pouvons-nous
consommer 86% des denrées alimentaires alors que 20% des populations
les plus pauvres n'en consomment que 1,3% ? Notre mode de vie et notre
façon de consommer « nous rend complice du malheur où nos frères
sont tenus ». Alors qu'un tiers des occidentaux souffrent de
problèmes de surpoids, 860 millions d'humains ne mangent pas à leur
faim. Nous avons une alimentation trop sucrée, trop grasse, et surtout
trop carnée, et il faut 35kg de céréales pour produire un kilo de
viande. Ce déséquilibre est encore aggravé par nos besoins en énergie.
La production des « biocarburants » mobilise des milliers
d'hectares qui auraient dûs produire des cultures vivrières, si bien
que le prix des produits alimentaires, en Amérique latine, a été
multiplié par 4 en deux ans. En France aussi, le prix des céréales
s'envole, mais nous ne sommes pas menacés comme les pays du Sud car la
production d'éthanol ou de biodiesel nécessite 1l de carburant fossile
pour 1,2l de biocarburant. Ce n'est pas rentable. Au Brésil, par
contre, le boom de l'éthanol entraine la mise en culture de la canne à
sucre sur des terres ou l'esclavage a refait son apparition. En Juin
dernier, en Amazonie, les services spéciaux du Ministère du Travail et
de l'Emploi ont libéré plus de 1000 personnes qui étaient
« employées » dans les champs de canne à sucre d'une fazenda.
Vous ne trouvez pas que les raisons de pleurer sont nombreuses pour
Jésus, comme pour nous ? Mais, même si nous sommes spirituellement
mort, le Christ nous appelle à la vie.
La 2ème phrase que j'ai
retenue: « Déliez-le, et laissez-le aller. » Le Christ n'agit
pas directement, mais il demande aux hommes d'agir pour libérer Lazare;
de même, il ne va pas le chercher, mais il lui demande de sortir
lui-même du tombeau: « Lazare, viens dehors! » L'appel à la
vie vient du Christ, mais c'est à Lazare de se remettre debout malgré
le linceul et les bandages qui l'entravent. L'intuition du CCFD est la
même: laisser chacun, chaque peuple, responsable de ses actes, et
soutenir les efforts de ceux qui ont choisi d'agir pour se remettre
debout, en respectant leurs choix et leurs manières de faire. C'est
pourquoi le CCFD ne mène pas d'action en son nom, mais il soutient plus
de 500 projets imaginés et mis en oeuvre par des partenaires.
Aujourd'hui, pour répondre à l'invitation du Christ: « Déliez-le,
et laissez-le aller. » nous pouvons soutenir l'action du CCFD de 3
façons:
-
par le jeûne: c'est à dire en cherchant à modifier notre consommation
et en évitant les gaspillages (préférer les produits en vrac pour
éviter les emballages inutiles, rechercher les produits de saison qui
viennent d'un producteur local pour éviter les denrées qui ont dû
parcourir 10000kms en avion, manger de la viande de meilleure qualité,
mais moins souvent.) sans oublier ce verset d'Isaïe: « N'est-ce
pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère: défaire les chaines injustes,
renvoyer libres les opprimés, partager ton pain avec l'affamé, ...et ne
pas te dérober devant celui qui est ta propre chair. »
-
par le partage: depuis 1966, le CCFD a reçu mission de l'Eglise de
France d'organiser la collecte des dons de carême pour rendre le monde
plus juste. Le don comporte toujours une dimension affective: il
traduit en acte notre solidarité avec les plus pauvres et redonne à
l'argent un rôle de lien. L'argent, souvent synonyme de pouvoir
(pouvoir d'acheter, de montrer, d'imposer) devient ainsi un moyen et un
pouvoir d'agir autrement. Et vous le savez, il y a plus de joie à
donner qu'à recevoir.
-
par la prière: parce qu'il est temps de ne plus vivre sous l'emprise de
la chair et de nous rendre docile à l'Esprit. « Puisque l'Esprit
de Dieu habite en nous » comme nous le rappelle Paul, recherchons
notre bonheur auprès de Celui qui peut nous donner infiniment plus que
ce que nous ne pouvons lui demander, et abandonnons autant que possible
l'idôlatrie que nous célébrons dans les temples de la consommation.
C'est avec des produits très simples, le pain et le vin, que le Christ
nous donne la vraie vie, qu'il se donne à nous pour nous entraîner, à
sa suite, à sortir de nos tombeaux.
Jean-Jacques BOURGOIS, diacre permanent.
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