LE CHRIST ROI DE L'UNIVERS
Christ Roi, année A.
Ce
dimanche est le dernier de l’année liturgique. Dimanche prochain
ouvrira le temps de l’Avent. C’est traditionnellement en ce dernier
dimanche que l’Eglise a placé la fête du « Christ, roi de
l’Univers ». Car le Christ est roi ! Ce n’est pas forcément
la première image qui nous vient quand nous pensons au Christ. Et
pourtant, nous le fêtons aujourd’hui comme « roi de
l’univers ». Cette image de roi, dans notre république qui a
exécuté le dernier, ne nous met pas forcément très à l’aise !
C’est qu’il nous faut sans doute re-visiter cette représentation que
nous nous faisons d’un roi, au sens biblique. Les textes d’aujourd’hui
peuvent nous y aider.
La première lecture, tirée du livre du
prophète Ezéchiel, nous présente ce roi, non pas comme un personnage
tout-puissant, mais comme un berger, qui va lui-même à la recherche de
ses brebis, qui veille sur elles, et particulièrement sur les plus
vulnérables : « la brebis perdue, je la chercherai. Celle qui
est blessée, je la chercherai. Celle qui est faible, je lui rendrai des
forces. » Quel étrange roi, qui se montre si attentif, si
prévenant !
Vient ensuite le psaume 22, qui reprend lui aussi, pour parler du Seigneur, cette même image du berger, attentif à ses brebis.
[la partie entre crochets a été ajoutée pour la célébration de l'entrée en catéchuménat de deux adultes]
[C’est ainsi que XXX et YYY se sont mis en route, appelés par le Seigneur, ce berger qui vient chercher ses brebis éloignées.
Ce
psaume 22, justement, nous parle d’une manière particulière
aujourd’hui, et spécialement à vous, XXX et YYY. Car il nous parle du
baptême, et de la marche du baptisé vers l’Eucharistie et la
Confirmation, ces trois sacrements de l’initiation chrétienne. Au tout
début de l’Eglise, c’est d’ailleurs ce psaume qui était choisi lors des
célébrations du baptême. En effet, les baptêmes étaient toujours des
baptêmes d’adultes, et célébrés de manière communautaire. Les baptisés,
après avoir traversé la cuve baptismale, partaient en procession vers
le lieu de la confirmation et la table de l’Eucharistie. Et que nous
dit le psaume 22 ? « Il me mène vers les eaux tranquilles et
me fait revivre ». Les eaux tranquilles qui font revivre, c’est
l’image évidente du baptême. Ensuite : « Il me conduit par le
juste chemin », évocation du parcours catéchuménal. Puis
encore : « Tu prépares la table pour moi »,
« ma coupe est débordante ». Évocations de
l’Eucharistie. « Tu répands le parfum sur ma tête » :
Évocation du St Chrême, cette huile parfumée qui marquera le front des
baptisés et des confirmés.
Et
le psaume conclut par ces deux phrases : « Grâce et bonheur
m’accompagnent tous les jours de ma vie ». Ainsi en va-t-il du
nouveau Chrétien conscient de la grâce qu’il reçoit. Et enfin :
« j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »
Le baptême fait de chaque homme, de chaque femme, un membre de la
famille de Dieu, qui habite sa maison pour toujours. C’est ce vers quoi
vous avez choisi de vous mettre en marche, librement et dans la joie,
XXX et YYY. Ainsi, lorsque vous arriverez au terme de ce cheminement,
au cours de la veillée pascale, et que vous recevrez le sacrement du
baptême, vous pourrez faire vôtre cette troisième strophe du psaume,
sûrs que l’amour de Dieu vous accompagne : « Tu est mon
berger. Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. Ton bâton (ta
croix) me guide et me rassure. » ]
Cette image
du berger contraste fortement avec la lettre de St Paul aux
Corinthiens, dans la deuxième lecture, qui nous parle plus directement
du règne du Christ qui « remettra son pouvoir royal à Dieu le
Père ». Enfin, dans l’Evangile, Jésus nous raconte lui aussi la
venue de ce roi qui « siège sur son trône de gloire » et qui
séparera les brebis des chèvres, comme dans la prophétie d’Ezéchiel.
C’est ce que l’on appelle communément « le jugement
dernier ». Dieu notre Père viendra donc pour juger le monde. Voilà
qui pourrait nous sembler terrifiant ! Ce roi va nous juger, nous
tous ! croyants ou non, nous n’y échapperons pas ! mais de
quelle sorte de jugement s’agit-il ? Sur quoi serons-nous
jugés ? Écoutons ce que nous dit Jésus dans cette histoire :
« Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite :
« venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume
préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’avais faim et vous
m’avez donné à manger ; j’avais soif et vous m’avez donné à
boire ; j’étais un étranger et vous m’avez accueilli ;
j’étais nu et vous m’avez habillé ; j’étais malade et vous m’avez
visité ; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi… »
C’est clair : ce roi, notre Seigneur, nous jugera sur l’amour, sur
la charité dont nous faisons preuve vis-à-vis de nos frères les plus
nécessiteux : ceux qui ont faim, ceux qui ont soif, ceux qui sont
différents, ceux qui souffrent… Ce n’est pas sur le nombre de prières
que nous aurons dites, ni sur nos pratiques religieuses, ni sur nos
opinions que nous serons jugés, mais bien sur nos actions en direction
des plus pauvres qui sont nos frères. Comme ce « roi-berger »
décrit par Ezéchiel, le Seigneur est si attentif, si proche des
pauvres, des petits, des souffrants, qu’il est l’un d’entre eux. Car,
entendons bien sa réponse : il ne dit pas « à chaque fois que
vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est comme
si vous me l’aviez fait à moi » mais « c’est à moi que vous
l’avez fait ». Ce n’est pas qu’une simple comparaison, ça va
beaucoup plus loin : c’est une identification. Jésus, le Christ, est
dans le pauvre, le petit, le malheureux. C’est lui-même !
Avoir un regard chrétien sur le monde, ce n’est pas autre chose que
d’être capable de voir, dans ces gens que nous rencontrons, le visage
du Christ, le visage de Dieu.
Ce roi, nous le voyons bien, n’est
pas un roi conforme à l’image que nous en avons habituellement. Ce
n’est pas un roi tyrannique et capricieux, à qui nous devrions faire
des sacrifices pour apaiser sa colère ou sa mauvaise humeur. Il s’agit
d’un roi dont la toute-puissance est celle de l’amour. Alors, frères et
sœurs, que devons-nous faire pour que le Christ nous appelle, nous
aussi, « les bénis de mon Père », qu’il placera à sa
droite ? Rien d’extraordinaire. Rien d’autre que d’aimer, et de
vivre cet amour dans sa pratique la plus banale, la plus
quotidienne : quand je donne à boire à mon enfant qui a
soif ; quand je rends visite à mes vieux parents qui sont
isolés ; quand j’aide ce père de famille chômeur à écrire sa
demande d’emploi ; quand je verse un don à une œuvre
caritative ; quand je prends le temps d’écouter cet inconnu me
confier ses difficultés ; quand je reste au chevet de cet ami
hospitalisé… à chaque fois que je fais un geste qui dit la dignité de
toute personne humaine, c’est Dieu que je sers, que je soigne, que je
visite…
Alors, ce « jugement dernier » comme on l’appelle,
n’est-ce pas plutôt un simple constat ? Ce sera le moment où je
verrai toute ma vie à la lumière de l’amour. J’y reconnaîtrai les actes
à travers lesquels j’ai permis à l’amour d’exister dans mes relations
avec les autres, et je verrai alors que la source en est l’Esprit
Saint. Et j’en serai heureux. Je partagerai la joie de Dieu, le roi de
Gloire, et j’entrerai dans sa joie. De même, je verrai tous les actes
pour lesquels je me suis fermé aux autres et qui ont empêché l’amour
d’habiter mes relations, de féconder ma vie. Je me condamnerai
moi-même. Ce jugement, il n’est pas seulement
« dernier », mais je peux en faire le constat de chaque
jour : à la fin de chaque journée, je peux me retourner et voir
comment j’ai agi pour permettre à l’amour de se répandre, ou au
contraire, comment mes actes ont pu laisser le mal s’installer en moi,
ou dans ceux que j’ai rencontrés.
Ô Christ, roi de l’Univers,
aide-moi à voir ton visage dans chaque personne que tu me donnes de
croiser ; aide-moi à répandre autour de moi ton amour, afin que
« grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ».
Amen !
Daniel Bichet, diacre permanent.
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